n°31
Juillet
2015
Le nouveau paysage de la vidéoconférence

Les systèmes de vidéoconférence à notre disposition font actuellement l’objet d’une mutation technologique qui ne va pas sans perturber sensiblement la stabilité du service que nous avons connue ces dix dernières années. Cet article tente de donner quelques éléments pour, peut-être, mieux vivre cette transition.

Un peu d’histoire

L’apparition de systèmes de vidéoconférence dans les labos de l’IN2P3 remonte au milieu des années 90. La technologie sous-jacente était alors le RNIS (ISDN en anglo-saxon), et le coût d’une heure de session transatlantique était de 900 F (150 €, en fait beaucoup plus si on tient compte de l’inflation). Au début des années 2000, l’émergence du standard H323 utilisant les réseaux informatiques a eu pour conséquence de faire apparaître le coût de communication comme essentiellement nul pour l’utilisateur final, augmentant ainsi considérablement l’attractivité de la vidéoconférence pour celui-ci. L’IN2P3 a mis en place à cette époque, sous la houlette de Daniel Charnay et Gérard Drevon du CC-IN2P3, un service de « MCU » (un appareil, parfois appelé « pont », qui recueille et redistribue les flux audio et vidéo de tous les participants d’une vidéoconférence), baptisé RMS. Sa déclinaison H323 basée sur du matériel Codian a connu un succès remarquable, finalement au bénéfice de l’ensemble de la communauté enseignement supérieur-recherche en France. Ce service a été repris il y a quelques années par Renater, qui l’a encore développé notamment par l’ajout de nouveaux MCUs (Scopia).

L’avènement du desktop conferencing

Les ponts H323 évoqués dans le paragraphe précédent sont majoritairement utilisés en liaison avec des systèmes clients dits « de salle », c’est-à-dire des systèmes fixes dédiés, dotés d’équipements audio-vidéo adaptés à une utilisation par plusieurs personnes simultanément en mode « mains libres » (sans casque/micro). Mais la disponibilité de clients H323 logiciels tournant sur des ordinateurs personnels de mieux en mieux équipés en standard avec caméra et micro intégrés de bonne qualité a permis d’envisager une réponse à une demande forte des utilisateurs de participer individuellement en restant dans leur bureau, ou chez eux, aux vidéoconférences. Le système VRVS, devenu EVO puis SeeVogh, né et développé initialement au sein de notre communauté, a été précurseur de ce « desktop conferencing », parfois aussi appelé « cloud conferencing », ne demandant comme poste utilisateur qu’un poste de travail standard dans notre environnement (mais récent). Un facteur de confusion pour l’utilisateur a été apporté par le fait que les constructeurs de MCU ont chacun développé des clients « desktop » qui, n’étant pas au standard H323, ne permettent de se connecter qu’à un seul type de MCU (voir l’illustration).

Les nouveaux acteurs

Voici quelques informations sur les systèmes non H323 dignes d’intérêt pour nous. Ont volontairement été oubliées quelques alternatives, comme Skype, probablement revenu en odeur de sainteté depuis son rachat par Microsoft, surtout sous sa déclinaison Skype Entreprise, ou autres Hangouts de Google. Mais il y en a beaucoup d’autres. Il faudrait aussi mentionner les systèmes dits de Web conferencing (audio via internet ou téléphone + partage de présentations via un navigateur), qui peuvent se révéler pertinents pour des groupes qui se connaissent bien entre eux.

Vidyo

Le CERN, après un long pari sur VRVS/EVO qui aboutissait trop souvent à une frustration des utilisateurs, a décidé il y a quelques années de faire un appel d’offres à l’industrie pour fournir clés en main un système répondant à un cahier des charges particulièrement exigeant (notamment support de Linux, réunions à plusieurs centaines de participants). Le système finalement retenu, Vidyo, après une période de rodage, est maintenant très robuste, très universel et très facile à utiliser, surtout couplé à Indico. Le principal obstacle à son utilisation systématique à l’IN2P3 est qu’il est réservé pour l’instant aux expériences CERN.

Dernière minute : Vidyo est maintenant accessible par téléphone depuis la France.

Jitsi

À côté de son offre MCUs H323, et quelque part en remplacement de SeeVogh (devenu commercial), Renater a ouvert récemment un nouveau service, Rendez-Vous, basé sur le produit libre Jitsi. Ce système est extrêmement prometteur, en particulier du fait qu’il est lui-même basé sur la technologie WebRTC, standard W3C, qui devrait être incorporée en standard dans tous les navigateurs Web dans un relativement proche avenir, supprimant de fait la nécessité d’installer un client sur son poste de travail. Actuellement, il suffit d’un navigateur Chrome sur une machine équipée d’un micro et une caméra pour obtenir un client Rendez-Vous fonctionnel, y compris sous Linux.

Zoom.us

ESnet, le réseau américain disons équivalent à notre Renater, a longtemps offert un service de réunion à distance, ECS, basé sur des MCUs Codian. Il a arrêté ce service [1] l’année dernière [2], laissant les expériences et les labos américains « libres de leur choix » (comprenez se débrouiller tout seuls). Une enquête récente du groupe de travail VCWG qui regroupe ces labos et quelques acteurs européens (CERN, DESY, IN2P3) a mis en lumière l’intérêt général pour un système récemment apparu sur le marché, zoom.us. Il existe une version gratuite de zoom.us, mais je dois dire que j’ai été régulièrement déçu par son utilisation en particulier dans de mauvaises conditions réseau. Par contre, la version professionnelle, que j’ai eu l’occasion d’utiliser lors d’une réunion à plus de 18 participants, est impressionnante, et apporte à mon avis la stabilité des MCUs au monde du cloud conferencing, associée à une ergonomie sans failles. Un petit exemple de réunion à 4 participants (avec la version gratuite, mais dans de très bonnes conditions réseau), est disponible (pérennité du lien non garantie) ici.

Très bien, mais que dois-je en pratique utiliser aujourd’hui ?

Il ne suffit pas qu’une technologie, fût-elle superbe, existe pour fournir un service de vidéoconférence réellement utile au sein de notre communauté. Pour mériter ce qualificatif, ce service doit être :

  • disponible sur les trois plateformes de nos postes de travail Windows, OSX et Linux (et, pour l’instant de façon moins indispensable, iOS et Android),
  • accessible à partir des salles de vidéoconférence, actuellement majoritairement équipées en H323, et par téléphone,
  • facile d’accès et d’utilisation,
  • fonctionnel : capable de présenter une fenêtre de l’écran d’un participant à tous les autres, de fournir un système de chat entre les participants, et un espace de travail partagé,
  • et, last but not least, fiable et stable. Inutile de préciser qu’un système optimum sur toutes ces caractéristiques et économiquement viable pour notre communauté n’existe pas, sinon vous le sauriez et cet article n’aurait pas lieu d’être.

Tentons de caractériser quelques cas d’utilisation :

  • la première réunion relativement formalisée d’un projet qui démarre : Renavisio avec un Scopia. Tant pis pour les gens qui n’ont accès qu’à un poste de travail Linux (rares parmi les tutelles). Vérifier à l’avance la configuration des postes de travail individuels, et faire des tests préalables avec les « vieux » systèmes de salle qui marchaient si bien avec les Codians, mais peut-être plus avec des systèmes plus modernes. Le client iPad vaut le coup d’œil.
  • un groupe de travail au sein d’une expérience CERN : Vidyo, sans nuances
  • un groupe de travail avec des gens prêts à essuyer des plâtres mais plutôt geeks enthousiastes (et pas trop nombreux) : Rendez-Vous. Éviter les liaisons douteuses (à la maison par exemple)
  • une « visiophonie » point à point (téléphone augmenté) : Rendez-Vous (mais Skype est un concurrent redoutable pour ce cas de figure).

Voilà. Happy videoconferencing !

Pour en savoir plus :
Vidyo au Cern
WebRTC, JItsi
Renater : Renavisio, Rendez-Vous

Christian HELFT (LAL)

[1] Plus précisément, il n’a gardé que ReadyTalk, un système de Web conferencing

[2] L’abandon du H323 par ESNet, si en plus on le rapproche du refus historique du CERN d’offrir un service global basé sur des MCUs, nous envoie un message sur l’avenir de cette technologie, qui est peut-être à la vidéoconférence ce qu’est le fax à l’envoi de documents imprimés ?

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