n°32
Novembre
2015
"il faut se garder de penser que nous sommes à part en matière d’informatique"

Thierry Ollivier, chargé de mission formation à l’IN2P3

- Tu as exercé différentes fonctions à l’IN2P3 et participé, en 2004, à la création du Réseau des Informaticiens IN2P3 et IRFU. Peux-tu nous expliquer ce qui a conduit à la genèse du RI3 ?

La genèse de ce réseau a été une longue évolution. La structuration en réseau ou groupe de travail va de soi lorsqu’une communauté technique est bien ciblée et tournée vers un objectif technique commun bien identifié. Historiquement (sans vouloir jouer les anciens), j’ai connu le groupe de travail « VAXpopuli », très actif à l’époque où tous les labos avaient une machine centrale VAX/VMS. Des groupes s’étaient aussi créés autour de certains protocoles réseau. Plus récemment, le réseau technique LCGFR est un parfait exemple de collaboration inter-labos lié à un objectif dédié. De même que le groupe « W2K » autour d’une forêt Active Directory IN2P3. De telles communautés d’informaticiens peuvent avoir un impact important dans l’évolution technique de nos infrastructures. On peut penser par exemple que le petit groupe qui s’était créé autour de la vidéoconférence H323 a contribué de façon importante à sa généralisation dans les labos et à l’achat du premier MCU par le CC-IN2P3. On peut aussi citer la collaboration autour des serveurs de fichiers NAS NetApp qui permettait d’obtenir un modèle de coût unique à l’IN2P3.

Des formes de réseau de métier ont donc toujours existé, dans un domaine pour lequel les évolutions techniques permanentes rendent indispensables les échanges entre informaticiens. Ceux-ci sont probablement plus faciles chez les ASR que chez les développeurs, souvent tenus par les contraintes de l’expérience elle-même.

La diversité des techniques (online, offline, langages…) rend également plus difficile d’identifier des collègues confrontés aux mêmes problèmes. Et pourtant dans ce domaine il y a vraiment matière à mutualiser des briques de base et du savoir-faire. Des évènements tels que nos JI tous les 2 ans, ou les JDEV, montrent que tous nos métiers peuvent bénéficier de rencontres régulières. Il faut donc rendre hommage à Christian Helft pour sa persévérance à avoir souhaité structurer et animer la totalité de notre communauté des informaticiens. Au-delà des groupes et évènements existants, il était important d’asseoir la reconnaissance par l’IN2P3 de nos métiers au travers d’une organisation plus formalisée qui puisse aider à fédérer des groupes de travail, initier des domaines de collaboration, lancer des prospectives, gérer des évènements et de la communication.

Aux JI 2004, avec Christian et Frédérique (Chollet), nous en avons beaucoup discuté, et tracé dans un document les contours de ce que pourrait amener une plus grande coordination au niveau national. Ensuite, nous avons aidé Christian à soutenir le projet auprès de l’IN2P3. Jusqu’au moment où en 2007, avec Cristinel Diaconu comme chargé de mission informatique, le CCRI s’est mis en place. Le RI3 avait de fait une reconnaissance. Personnellement, deux points me tenaient à cœur, justement cette lettre d’information régulière et également que le CCRI crée un lieu de discussion entre l’ensemble des labos et le CC-IN2P3.

Le fait d’avoir accepté d’être responsable technique de l’IPNL de 2007 à 2013 puis chargé de mission formation de l’IN2P3 depuis 2013 fait que j’ai suivi d’un peu plus loin l’activité du RI3. Je retrouve depuis 2013 le CCRI à travers sa cellule « Formation et évènements » pour ma mission de formation permanente qui inclut la définition des écoles informatiques.

- Comment as-tu vu évoluer le réseau depuis ses débuts ?

Il me semble objectivement que le CCRI a plutôt bien évolué depuis 2007. Déjà il est resté « vivant » et il est l’interlocuteur reconnu dans plusieurs domaines. La lettre informatique continue à un rythme de 3 ou 4 par an ; les JIs me semblent vraiment pérennisées, même si les problèmes budgétaires restent un souci potentiel ; et pour ma part, je vois que la cellule « Formation et évènements » bouillonne d’idées. Concernant les JI (je crois avoir participé à toutes depuis 1999), je suis toujours étonné de l’affluence et également de voir comment, dans tous les domaines techniques, les participants sont intéressés de découvrir ce que les autres ont fait.

En plus, le comité d’organisation issu du CCRI essaie de les renouveler en permanence avec par exemple les présentations express (5 min) qui permettent de prendre ensuite des contacts pour aller plus loin. Les webinaires ont été aussi une vraie initiative nouvelle, même si ensuite les faire vivre année après année reste un challenge. Les domaines techniques et les groupes de travail potentiels ont été bien identifiés, voire structurés. Et notre réseau national est représenté dans RESINFO (réseau des réseaux, qui fédère plutôt des réseaux régionaux) et à travers lui, auprès de la Mission pour l’interdisciplinarité.

Tout n’est pas parfait bien sûr, par exemple les listes ASR et DEV créées pour notre communauté ne sont que très peu actives. Notre réseau est forcément concurrencé par les réseaux régionaux qui, eux aussi, sont actifs et organisent des actions. Mais je reste persuadé que notre réseau national RI3 reste pertinent et cohérent avec nos disciplines scientifiques et leurs exigences en informatique.

- Tu as également été chef du service informatique à l’IPNL durant 23 ans. Quel regard portes-tu sur l’informatique à l’IN2P3 ?

Objectivement, je pense qu’il faut se garder de penser que nous sommes à part en matière d’informatique. J’ai le sentiment que d’autres instituts ont beaucoup progressé ces dernières années, par exemple l’informatique pour la biologie ou pour les SHS. Le programme du colloque de restitution du défi Mastodons en décembre montre par exemple que la majorité des disciplines sont engagées dans des projets de gestion des données autour du « big data ». Nous n’avons pas le monopole des grands projets.

Mais à l’IN2P3, nous avons à mon sens trois avantages concernant notre métier : le fait que nos thématiques scientifiques nous imposent d’être présents sur la totalité des domaines techniques de l’informatique, intégrant souvent un aspect de R&D ; une structuration des services et de la communauté (on revient au point précédent) qui fait que nos jeunes informaticiens sont accompagnés dans leurs projets. Cette structuration des équipes tire notre discipline vers le haut ; Enfin, la présence d’un centre de calcul national qui permet d’appuyer des initiatives des labos en pouvant les consolider en outils nationaux.

En tant que chef de service, j’ai toujours insisté ou été favorable à ce que mes collègues participent aux réseaux, évènements ou projets collectifs et n’hésitent pas à contacter nos autres labos. A l’IN2P3, un informaticien qui le souhaite n’est pas isolé dans son travail.

Ces éléments nous rendent, je pense encore attractifs en BAP E, et par exemple dans mon service je n’ai jamais connu de difficultés pour nos recrutements en NOEMI ou C.E..

Et pour avoir, de par ma mission formation, été impliqué dans l’organisation des trois dernières écoles informatiques (ANF) (qui s’appuient pour la partie TP sur nos infrastructures et en particulier le CC-IN2P3), je peux vous dire que les participants d’autres instituts que nous accueillons me font souvent part de leur impression d’une informatique structurée et attrayante.

- Concernant la formation permanente, vois-tu des spécificités propres à l’IN2P3 concernant l’informatique et quels sont les axes de réflexion ?

Déjà le fait que le CCRI ait une cellule « Formation et évènements » fait qu’en tant que chargé de mission j’ai comme interlocuteur une structure représentative de la communauté, qui a vocation à être le comité de pilotage des écoles. Nous sommes soutenus par l’IN2P3 pour commanditer une école informatique par an et je fais remonter à la direction technique d’autres sujets que j’essaie d’identifier par des discussions avec la communauté.

Ainsi, pour 2016, nous demandons au CNRS le budget pour piloter trois écoles, l’école annuelle qui serait autour de la programmation hybride utilisant tous les modes possibles d’accélération matérielle offerts par les machines actuelles, une école GEANT4, et une école autour du passage de nos labos à IPV6. Auxquelles il faut rajouter une ANF sur ATRIUM qui n’est pas strictement une école informatique, mais est néanmoins un développement informatique interne à notre Institut et concerne pas mal de personnes de nos services.

Il existe des réseaux de métier qui proposent des écoles à travers la mission interdisciplinaire (MATHRICE, groupe calcul), mais cette structuration de la formation informatique à un niveau « Institut » est je pense unique. La cellule du CCRI a plein d’idées nouvelles : en vrac, déjà essayer de rejouer l’école informatique annuelle sous une forme en non-présentiel, à mi-chemin entre une école et un MOOC [1]. C’est un vrai challenge technique de faire cette transformation mais cela permettrait qu’un tel investissement technique ne soit pas « one shot ».

On envisage également de créer en 2016 de zéro une école en mode « à distance » (par exemple 8 demi-journées avec cours en mode visio et outils de suivi des TP à distance). Enfin, on doit penser aussi à des sessions de formation plus courtes (une journée) sur un thème très ciblé. Sans parler bien sûr de voir comment la formation peut être acteur dans le suivi de MOOC par nos collègues ; nous avons des discussions au niveau du CNRS sur ce point, mais ils ne sont toujours pas reconnus pour l’instant comme action de formation. On peut néanmoins en interne échanger sur ceux-ci, essayer de cibler les plus pertinents, se conseiller entre labos…

Sur ces nouveaux modes de formation, il faut définir ce que peut amener la cellule du CCRI et ce que peut amener la formation permanente de l’IN2P3. Nous travaillons ensemble à le définir.

Propos recueillis par Gaëlle SHIFRIN

[1] MOOC : Massive Open Online Course

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