Simulation numérique des ondes gravitationnelles émises lors de la fusion de deux trous noirs - © simulation numérique S. OSSOKINE, A. BUONANNO (Max Planck Institute for Gravitational Physics), visualisation W. BENGER (Airborne Hydro Mapping GmbH)
Les calculs associés à la détection des ondes gravitationnelles vont engendrer des pics de charge espacés dans le temps et semblent d’excellents candidats à l’utilisation de l’élasticité offerte par le cloud computing. L’IN2P3 enquête.
La mise en évidence expérimentale récente des ondes gravitationnelles par les expériences LIGO/Virgo a ouvert un nouveau champ de l’astronomie. Les objets massifs comme les trous noirs (effondrement d’une étoile très massive à la fin de sa vie) sont étudiés classiquement de manière indirecte (disque d’accrétion, jets…). L’observation des ondes gravitationnelles en provenance de ces objets permet d’obtenir des informations très précises sur leur nature comme leurs masses et leurs vitesses de rotation.
Les ondes gravitationnelles sont des déformations de l’espace-temps créées par l’accélération d’objets massifs. Elles sont des vecteurs d’information qui nous parviennent tout comme la lumière. Ces oscillations de l’espace-temps modifient la distance entre des objets en chute libre (masse-test, Terre, étoiles à neutron de type pulsar...) et peuvent se détecter via plusieurs méthodes : chronométrie des pulsars (détection semi-directe), interférométrie spatiale (eLISA, evolved Laser Interferometer Space Antenna) et interférométrie au sol (LIGO, Virgo…). Le laboratoire APC est impliqué dans le projet eLISA à travers la simulation, l’analyse de données et dans la mise en place d’un prototype de DPC (Data Processing Center).
La mission spatiale eLISA, qui sera lancée vers 2030 en tant que mission large L3 de l’ESA, a pour but d’étudier les ondes gravitationnelles à partir de l’espace. La mission consiste à mettre en orbite un interféromètre constitué de trois satellites séparés par quelques millions de kilomètres afin de mesurer précisément le déplacement engendré par le passage des ondes gravitationnelles. A la fin de l’année 2015, le démonstrateur LISAPathfinder a été lancé afin de prouver que la technologie d’un interféromètre spatial était réaliste : deux masses-tests ont été placées dans des conditions de chute libre afin de caractériser le bruit instrumental. Les résultats du démonstrateur seront présentés par l’ESA ce mois-ci.
A l’APC, l’équipe eLISA est en charge du prototype du DPC, dont le but est de mettre en place les outils qui permettront d’organiser de manière optimale l’analyse des données de la mission. Dans ce cadre et au titre de R&D, l’équipe évalue l’apport de nouvelles technologies comme le cloud computing de type IaaS (Infrastructure-as-a-Service, solutions StratusLab et OpenStack) et PaaS (Platform-as-a-Service, outil SlipStream), les conteneurs Docker ou l’intégration continue avec Jenkins. L’étude de phase 0 de la mission par le CNES a permis de montrer que l’analyse de données de la mission n’allait pas se réaliser de manière continue (détection de certaines sources ponctuellement dans le temps). Pour gérer ces pics de charge, il sera probablement judicieux d’utiliser un système hybride cluster (charge continue) / cloud (pic).
Dans le cadre de l’étude de la gestion des pics de charge réalisée par Antoine Petiteau (chercheur) et Cécile Cavet (ingénieur), le cloud IaaS StratusLab@LAL, maintenant OpenStack@LAL (Laboratoire de l’Accélérateur Linéaire, IN2P3, à Orsay), a été utilisé. Ce cloud public fait partie de la fédération française de clouds académiques orchestrée par France Grilles (FG-cloud), qui regroupe plusieurs infrastructures de l’IN2P3 (CC-IN2P3 à Lyon, IPHC à Strasbourg, LUPM à Montpellier…). Le cloud IaaS permet d’instancier des machines virtuelles à la demande et donc de créer un cluster virtuel semblable au cluster local du FACe (Centre François Arago, centre de traitement de données spatiales de l’APC). A l’aide de l’outil SlipStream, le déploiement du cluster virtuel est réalisé automatiquement via un orchestrateur qui va aussi permettre d’ajouter des nœuds de calcul (passage à l’échelle horizontal) à la demande.
Cette étude a donc permis de montrer que la technologie de cloud est très bien adaptée aux problématiques des missions spatiales. La possibilité de basculer rapidement des calculs depuis un cluster local vers un cluster virtuel est en effet réalisable avec un gestionnaire de déploiement automatique comme SlipStream. Les machines virtuelles permettent aussi à des utilisateurs extra-institut comme ceux du consortium eLISA d’avoir accès facilement aux codes d’analyse et aux données de la mission. Le cloud est donc approprié pour répondre aux contraintes d’un large éventail d’applications scientifiques.
Pour en savoir plus :
Cécile CAVET (APC)