- Vous avez été nommé Directeur Adjoint Technique le 1er mars 2016. Pourriez-vous retracer brièvement votre parcours ?
Electronicien de formation, je suis rentré en 1983 au CNRS, au Laboratoire de Physique des Solides (INP). Trois ans plus tard, j’ai rejoint l’IPNO où j’ai travaillé durant 5 ans sur le projet de Cyclotron AGOR. J’ai ensuite réussi un concours interne affecté au CPPM où j’ai cette fois travaillé sur les liaisons fibres optiques analogiques pour ATLAS puis les développements de la distribution d’horloges du projet ANTARES, dont j’assurais aussi la responsabilité de la coordination technique. Puis j’ai travaillé à l’IRES (aujourd’hui IPHC) à Strasbourg en tant que Directeur Technique tout en maintenant une activité technique.
J’encourage d‘ailleurs fortement tous les Directeurs Techniques et Chefs de Service à poursuivre une activité de développement, même si évidemment je suis conscient que ce n’est pas simple.
Durant six années à l’IPHC, je me suis notamment occupé de l’organisation de la production de CMS. J’ai également démarré les activités sur SPIRAL et développé les diagnostics faisceaux qui ont notamment fait l’objet de vente de licences. J’ai enfin rejoint l’APC pour les projets spatiaux en tant que Directeur Technique et ai travaillé sur les projets ATHENA et TARANIS, dont j’ai développé l’électronique de vol de l’instrument XGRE.
J’ai donc travaillé à la fois sur des projets en physique nucléaire, physique des particules, astrophysique et spatial, et ce dans plusieurs laboratoires. Ce parcours diversifié m’est aujourd’hui très utile pour mon rôle de Directeur Adjoint Technique de l’IN2P3.
- Quel est le périmètre de votre mission ?
Le rôle d’un Directeur Technique, que ce soit dans un laboratoire ou à l’IN2P3, est d’une part d’assurer la coordination des projets techniques et d’autre part, d’avoir une vision à moyen et long termes des choix stratégiques concernant ces activités.
Dans la nouvelle organisation de l’IN2P3, il était déjà important qu’il y ait un Directeur Adjoint Technique (DAT), cette fonction a aujourd’hui toute sa place. Nous formons une équipe collégiale avec les Directeurs Adjoints Scientifiques (DAS). Dès qu’il y a une notion technique dans un domaine (électronique, informatique, mécanique, etc.), je suis impliqué dans la réflexion et dans la prise de décision et le suivi des projets scientifiques incorporant des développements techniques.
J’ai également un rôle important dans l’organisation projets mise en place : nous voulons piloter, c’est-à-dire coordonner et faire des choix. Coordonner sous-entend savoir ce qui se fait dans les laboratoires donc je me déplace, comme tous les DAS, afin de discuter avec les équipes et services techniques. Je m’appuie aussi beaucoup sur le réseau des Responsables Techniques (RT) afin d’obtenir le maximum d’informations, d’échanges avec eux et de les impliquer dans les études préalables. Tous les ans, j’essaie aussi de rencontrer les services techniques et de mieux connaitre les expertises dans les laboratoires et leurs retours sur l’organisation et les actions mises en place.
- Pourriez-vous nous en dire plus sur la gestion de projets mise en place à l’IN2P3 ?
Ce qu’il faut comprendre c’est que le système qu’on a mis en place est le même pour tous les DAS et donc pour toutes les thématiques scientifiques.
La direction de l’IN2P3 a demandé à identifier les projets selon des critères précis, à savoir : un projet qui dure au moins 2 ans, qui est financé à hauteur de minimum 10 000 euros et qui implique 1 FTE au minimum.
En 2016, l’objectif était de mettre en place une cartographie des quelque 500 « lignes projets » de l’IN2P3 (ATRIUM-152359 accès Dus) et de faire en sorte qu’on ait tous la même vision, les mêmes critères dans toutes les thématiques scientifiques. Aujourd’hui, nous sommes arrivés à une organisation cohérente où l’on sait qui est responsable d’un projet, d’un master projet, etc. ce qui va nous permettre de faire des choix sur ces projets.
Nous réalisons par ailleurs des revues simplifiées, qui durent 3 à 4 heures, lorsqu’un DAS demande à avoir une vision synthétique d’un projet ou souhaite faire un point pour une étape clef. Concrètement, nous mettons en place une revue suivie d’une séance fermée durant laquelle on analyse le projet. Nous nous engageons ensuite à faire un retour officiel au groupe projets dans un maximum de deux semaines avec des recommandations. Clairement, on incite les gens à suivre les bonnes pratiques de la gestion de projets mais on essaye d’accompagner sans pour autant imposer un carcan quel qu’il soit. Du moment que le projet fonctionne, que les gens s’entendent bien, il n’y a pas de problème.
En ce qui concerne l’informatique, Volker Beckmann, le DAS Calcul et Données, essaye d’impulser tout ce qui concerne la recherche en informatique. Au niveau métier informatique cette fois, il est prévu d’ici le mois de juillet de réaliser une cartographie des expertises techniques. Un membre du RI3 sera associé à cette démarche et participera à un groupe de travail que je vais bientôt lancer.
Je précise que l’objectif n’est pas de créer un nouveau répertoire des métiers mais d’identifier les expertises spécifiques en matière d’informatique, comme pour les autres métiers du CNRS. Pour chaque expertise identifiée, on précisera combien de personnes sont concernées et on établira une pyramide des âges. Ensuite, l’objectif sera de définir les expertises qu’on doit maintenir, celles qu’on doit acquérir ou celles qui, suite à l’évolution des métiers, n’ont plus lieu d’être. C’est un sujet difficile mais aussi un challenge important.
- Qui sont vos interlocuteurs au-delà des Directeurs d’Unité pour la mise en œuvre de ces actions ?
C’est vrai, il y a d’abord les Directeurs d’Unité mais je complète cette diffusion d’information au réseau des RT. J’associe également les canaux des réseaux IN2P3, via les coordinateurs de ces structures avec lesquelles je fais des points réguliers. Pour le RI3, mon interlocutrice est par exemple Frédérique Chollet.
Enfin, il y a aussi tous les chefs de projet techniques au travers des revues et je me rends aussi régulièrement dans les laboratoires pour échanger de façon ouverte et franche avec les membres des services techniques.
D’une façon institutionnelle, je me sers d’ATRIUM : je rédige les documents et à chaque fois qu’un document est rédigé et validé, il est diffusé dans la zone publique / direction technique. Cela nous permet de diffuser l’information le plus largement possible. C’est le cas par exemple des lettres de mission des Directeurs Techniques/Responsables Techniques (ATRIUM-136477). On va aussi proposer des lettres de mission pour tous les chefs de service, notamment informatiques. Ces lettres de mission seront mises à disposition des Directeurs d’Unités qui pourront les utiliser en tant que telles ou les adapter à leur laboratoire. Notre objectif ici est de diffuser un message de coordination afin que tous les chefs de service aient une mission claire, identifiée et écrite.
Un autre document structurant porte sur le processus d’affectation des ressources humaines dans les projets, et est disponible là encore dans ATRIUM en zone publique (ATRIUM-101283). On y décrit ce que l’on pense être important lors de la mise en place de l’affectation des ressources humaines à un projet.
De façon générale, on dit les choses, on les écrit et on les publie de manière officielle pour que toutes les personnes aient accès à l’information (ATRIUM Zone Publique DAT). Il est important que ce soit fait ainsi pour que les informations soient bien transmises et bien interprétées.
Nous sommes dans l’optique de piloter et donc faire des choix. Il est important d’accompagner ces choix et les changements. Ceci se fait par l’échange, la diffusion des actions, dans le souci d’améliorer le processus si besoin. Mieux vaut avoir un retour négatif qu’aucun retour et qu’au bout deux ans, on s’aperçoive que les choses ont été mal interprétées.
- Qu’appelle-t-on un projet de R&D transverse ?
J’ai proposé que le budget Projet de l’institut permette de financer quelques projets de R&D technique, disons 4 ou 5 par an. On s’engage alors à ce qu’ils soient clairement considérés comme des projets IN2P3 et que les gens qui travaillent dessus soient officiellement affectés à ces projets. On garantit également que le budget soit pluriannuel (3 ans maximum).
La différence entre un projet de R&D « transverse » et un projet de R&D dit scientifique, c’est d’abord que le projet R&D transverse peut être porté par un ingénieur. Les critères d’acceptation de ces projets, hormis les critères énoncés plus haut et qui sont propres à tous les projets, c’est qu’ils doivent porter sur une thématique technique et impliquer plusieurs laboratoires. L’objectif est d’avoir des projets transverses, qui touchent le maximum de laboratoires et qui soient structurants pour une activité.
Le projet DAQGEN, par exemple, est porté par le LAL, le CPPM, le LPSC et le LPC Caen dont les ingénieurs travaillent sur le développement de cartes et de logiciels d’acquisition générique autour du standard micro TCA. L’idée est, qu’au bout de trois ans, on puisse fournir à l’ensemble des laboratoires IN2P3 la possibilité de faire ces cartes et ces logiciels associés en vue d’un système d’acquisition autour du standard Micro TCA. Les livrables sont clairs.
- Comment les projets sont-ils sélectionnés ?
A tout moment dans l’année, il est possible de remplir la demande de soutien de projet disponible sur ATRIUM-110259 et flot de création nouveau projet : ATRIUM-104488 précisant quels laboratoires et ingénieurs sont concernés et quel financement est demandé. J’en discute ensuite avec les DAS concernés afin de vérifier que le projet ne fasse pas doublon avec d’autres existants. Dans les deux mois, je m’engage à donner une réponse de principe puis l’acceptation est officiellement annoncée lors de la journée projets par le DAS incorporant ce projet dans son budget.
N’ayez pas peur de nous soumettre des projets, surtout s’ils sont structurants. Nous faisons tout pour piloter les choses et accompagner les changements. Mais lorsqu’on sent au niveau de la direction qu’on est cohérent, qu’on sait qu’un projet va concerner plusieurs thématiques alors il y a beaucoup plus de forces pour le soutenir.
- Un message à la communauté des informaticiens ?
Que les années qui viennent continueront probablement à être difficiles en ce qui concerne les budgets et les ressources humaines. Il va falloir opérer des choix et nous souhaitons le faire avec le maximum de paramètres et d’informations.
Par ailleurs, je voudrais rappeler que les demandes de financements anciennement appelés « AP informatiques » passent dorénavant par DIALOG (équipements informatiques) et qu’il faut nous donner un maximum d’informations afin que nous puissions faire les bons arbitrages.
Propos reccueillis par Gaëlle SHIFRIN