Les informaticiens font partie d’une espèce à part entière, diverse et variée, c’est bien connu. Car derrière leur code, leur langage propre se cachent en réalité ceux qui développent, ceux qui administrent, ceux qui font de la production et même ceux qui tirent les câbles, etc. Et puis à l’IN2P3, il y a aussi ceux qui essaient de réconcilier deux communautés : les informaticiens d’un côté, les physiciens de l’autre. Cette nouvelle ‘espèce’ est apparue depuis quelques temps au Centre de Calcul de l’IN2P3 : nous l’appellerons le physico-informaticien.
Au CC-IN2P3, il n’est pas rare de rencontrer un informaticien ancien physicien. Mais depuis plus d’un an, on peut maintenant y rencontrer des informaticiens qui sont toujours physiciens. Et là est la nouveauté. C’est le cas de Catherine Biscarat, physico-informaticienne donc, et membre de l’équipe user-support. Elle a bien voulu se prêter au jeu du portrait pour IN2P3 Informatique et nous éclairer sur ce nouveau métier.
Née à Vichy en 1973, elle a suivi ses études en Auvergne, à Vichy d’abord puis à Clermont-Ferrand. Après un DEUG de mathématiques et physique, elle a poursuivi son cursus jusqu’à obtenir un DEA option Physique des particules et nucléaire. Des études universitaires adaptées, selon elle, ‘à l’acquisition d’une certaine ouverture d’esprit’, peut-être déjà signe de son métier actuel. C’est au cours d’un module d’initiation aux techniques nucléaires qu’elle commence à s’immerger dans le monde du boson de Higgs, du CERN, etc., notions qui lui sont aujourd’hui tout à fait familières. S’ensuit alors l’obtention d’une bourse de thèse pour travailler sur ATLAS, l’un des détecteurs du LHC (« calibration du détecteur avec des données simulées [1] »), thèse qu’elle soutient en 2001 ; elle travaille ensuite au CERN pour l’Argonne National Laboratory, puis à Barcelone toujours sur ATLAS (« sur la recherche d’un boson de Higgs »).
En janvier 2003, ses recherches s’orientent vers le détecteur D0, installé auprès du Tévatron (situé à Fermilab, près de Chicago) où elle effectue un post-doc pour Lancaster, une université anglaise. Elle travaille à la préparation des échantillons de données simulées en mettant en œuvre son expertise sur l’implémentation des générateurs dans l’infrastructure software des expériences. Elle s’assure aussi de la distribution des données simulées aux utilisateurs après avoir contrôlé leur qualité. En parallèle, Catherine travaille sur les données de collision où elle contribue notamment à améliorer l’identification des leptons taus dans le détecteur. En 2006, elle effectue un nouveau post-doc d’un an à l’Institut de Physique Nucléaire de Lyon, où elle met à profit ses connaissances sur les taus pour effectuer une recherche des quarks [2], dont elle publiera d’ailleurs très prochainement les résultats.
Son arrivée au CC-IN2P3 date d’octobre 2007 : la décision avait alors été prise de constituer un groupe de personnes travaillant à 50% sur l’informatique, à 50% sur la physique. Aux côtés de deux autres physiciens spécialisés dans les expériences CMS et LHCb, Catherine a aujourd’hui pour mission d’assurer le support du Tier-1 d’ATLAS et des utilisateurs d’ATLAS, mais aussi de poursuivre ses recherches sur ce détecteur. Selon elle, cette double mission lui permet de rester connectée à la communauté des physiciens, de comprendre spécifiquement leurs besoins, tout en essayant de trouver la solution la plus adéquate auprès des experts informaticiens. Une mission délicate s’il en est car, n’ayant pas suivi un cursus classique en informatique, Catherine avoue certaines lacunes qu’elle met un point d’honneur à combler. En pratique, et alors qu’elle est censée passer la moitié de son temps à effectuer des recherches en physique, Catherine a donc passé sa première année au CC-IN2P3 à s’immerger dans le monde du software d’ATLAS et de la grille : « C’est un monde nouveau ; il m’a fallu ce temps-là pour l’appréhender, explique-t-elle. Il me faut comprendre les choses une par une. On reçoit beaucoup de demandes de la part d’ATLAS et chaque problème rencontré me permet d’avancer. Mais pour cela, il faut faire preuve de curiosité et de débrouillardise. »
Une mission qui l’amène à travailler en étroite collaboration avec les autres équipes du CC-IN2P3, « les experts » selon elle, et une attitude qui la pousse à garder une certaine humilité devant eux. Malgré cela, la collaboration avec les informaticiens purs et durs ne se fait pas toujours sans heurts : « notre intégration a pris du temps car nos approches sont parfois différentes, mais nous arrivons de mieux en mieux à trouver une juste mesure et une bonne coopération se met en place pour travailler plus efficacement. »
Car même si son cœur penche plutôt vers la physique, pour Catherine, « le computing, c’est le nerf de la guerre ; sans lui, il n’y a pas d’analyse et pas de résultats de physique… ». Catherine se verrait bien entourée d’une véritable équipe de physiciens au CC-IN2P3 avec qui elle pourrait non seulement avancer dans la résolution de problèmes types mais aussi travailler sur des thématiques de physique. Cette vision est d’ailleurs partagée par la direction du CC-IN2P3 qui souhaite une imbrication beaucoup plus étroite entre la physique et le computing.
Gaelle Shiffrin