n°6
Mai
2009

« Le CC-IN2P3 est à l’origine du premier serveur web français ! »

Wojciech Wojcik

Ancien ingénieur dédié au support aux utilisateurs au CC-IN2P3

Vous avez été le premier à introduire le web en France, il y a près de vingt ans. Pourriez-vous nous rappeler comment il a été créé ?

Le web est né au CERN par l’intermédiaire de Tim Berners-Lee et de son compère Robert Cailliau. A l’origine, l’idée était de faciliter l’échange d’informations entre physiciens, éparpillés déjà à l’époque sur plusieurs sites. En physique, les informations sont vite périmées. Il fallait donc avoir accès à la dernière version, le plus facilement et plus rapidement possible. En 1989, Tim a donc eu l’idée de créer un endroit où se trouverait un exemplaire-maître auquel on aurait accès, qu’on pourrait modifier et qui serait donc toujours à jour. Cette idée est fondamentale dans l’histoire du web, le fameux www.

Pourquoi l’avoir appelé www ?

L’anecdote veut que Tim se trouvait à la cafétéria du CERN avec Bernard Cailliau, et qu’il cherchait un nom pour son invention. D’après lui, les noms grecs étaient passés de mode… donc ‘en attendant’, il s’est dit qu’il allait l’appeler le WWW (World Wide Web). Vingt ans plus tard, il s’appelle toujours comme ça !

A quoi servait le web à son origine ?

A échanger de façon rapide et conviviale des informations entre physiciens, comme des dessins, des graphes, des résultats d’analyses scientifiques, etc.

Et comment est-il arrivé en France ?

En tant qu’informaticien au CC-IN2P3, je travaillais évidemment avec le CERN et connaissais déjà Tim… Puis en septembre 1992, Tim Berners-Lee et Robert Cailliau ont participé à CHEP, organisé cette année-là à Annecy, conjointement par le CERN et l’IN2P3. J’étais d’ailleurs l’un des organisateurs. A cette occasion, ils nous ont fait une démonstration de leur invention sur une machine Next. On avait justement plusieurs NexT stations et deux Next serveurs au CC-IN2P3... Quelques semaines plus tard, on installait le premier serveur web français, le fameux info.in2p3.fr, dont l’adresse est inspirée de celui du CERN, info.cern.ch. Le CC-IN2P3 est donc à l’origine du premier site web français, le 4e ou 5e mondial…Avec mon collègue Daniel Charnay, on a commencé par y déposer quelques informations sommaires comme l’annuaire de l’IN2P3. On avait environ une centaine de connexions par jour.

Comment expliquer l’ampleur qu’a pris le web par la suite ?

Je pense que le génie de Tim Berners-Lee tient d’abord au fait qu’il a su rassembler des technologies existantes (comme l’internet) pour en faire un outil qui répondait parfaitement aux besoins de la communauté des physiciens. D’autre part, il a eu l’intelligence de créer un standard suffisamment large pour qu’on puisse rajouter de nouveaux protocoles. C’était donc un outil ouvert au développement futur. Et comme tous les développements réalisés au sein de la communauté scientifique, il n’était soumis à aucune licence.

© Sophie Blais pour les photos

PROPOS RECUEILLIS PAR GAËLLE SHIFRIN